Gazette:Agenda:Appel à communication - Les sciences humaines et sociales en Russie - Invention de langages scientifiques et traduction - Avant le 30 septembre 2012
Quality Requirement
3 juillet 2012
Date limite : 30 septembre 2012
Paris (75005)
Champ : Histoire
Appel à contribution
Les sciences humaines et sociales en Russie - Invention de langages scientifiques et traduction
Human and social sciences in Russia - Invention of scientific language and translation
Résumé
Le projet de recherche ANR « SCHUSOCRU » (CERCEC – Centre d’études des mondes russe, caucasien et centre-européen – EHESS-CNRS) sur « La constitution des sciences humaines et sociales en Russie : réseaux et circulation des modèles de savoirs, du XVIIIe siècle aux années 1920 » organise sa troisième manifestation scientifique les 24 et 25 mai 2013 à Paris, cette fois consacrée à l’invention de langages des sciences humaines et sciences sociales en Russie et sur le rôle des traductions dans ce processus. Les langues du colloque seront le français, le russe et l’anglais. Les personnes désireuses d’y participer sont priées d’adresser aux coordinateurs avant le 30 septembre 2012, le sujet de leur communication ainsi qu’une brève description (de 10 lignes à une page).
Argumentaire
Depuis le XVIIIe siècle, la constitution de champs scientifiques, en particulier dans les sciences dites de l’homme, a suivi en Russie des voies multiples, mais en règle générale, ils se sont largement construits sur des opérations de transferts, d’emprunts et d’implantations à partir de l’Europe occidentale, aussi bien dans la création des institutions et la formation des spécialistes que dans la circulation du livre. Dans ce contexte, l’élaboration des langages scientifiques dans les différentes disciplines présente un intérêt tout particulier et mérite que des études historiques lui soient consacrées. Cette question en soulève immédiatement une autre, qui est celle de la langue dans laquelle les savoirs étaient véhiculés. L’usage des langues originales de ces savoirs (latin, français, allemand…), pratiquées non seulement par des porteurs issus des lieux savants d’Europe, mais aussi par les premiers spécialistes russes, s’est doublé rapidement, dès la fin du XVIIIe siècle, d’une pratique de traductions en russe de publications savantes occidentales, y compris de celles qui étaient publiées en Russie dans leurs langues d’origine comme à l’Académie des sciences. À cela s’ajoutèrent, plus tard, de rares mais significatives traductions en langues occidentales de travaux rédigés en langue russe. Par la force des choses, la traduction devint en elle-même une forme d’échange culturel et de construction de la science, et elle conduisit à un intense travail d’élaboration et d’invention linguistique, lexicale au premier chef, mais aussi syntaxique, dont il convient de mesurer la portée et l’importance : le langage de la science, objet de l’invention, devenait aussitôt objet de communications, d’enseignements et de vulgarisations.
L’histoire de ces phénomènes reste largement inconnue dans le domaine russe. Si certaines disciplines, comme la philosophie (presque par définition), la sociologie, la linguistique, la psychologie, l’économie politique ou l’histoire (dans le cadre, notamment, de la Begriffsgeschichte), ont donné lieu à ce type de réflexions et d’études, la Russie a été peu touchée par ces approches, si ce n’est dans les domaines qui ont fait l’objet de découvertes importantes, dépassant le seul cadre « russe », tels que les études littéraires et linguistiques au cours du premier tiers du XXe siècle. Mais cette réflexion reste rare, très parcellaire, et surtout, elle s’appuie beaucoup trop peu sur une étude véritablement diachronique et précise de ces phénomènes qu’on a trop tendance à considérer hors du temps et de l’espace. L’histoire des traductions savantes n’est effleurée, dans le meilleur des cas, que par le biais des études monographiques consacrées à la réception en Russie d’un auteur particulier (par exemple d’un philosophe ou d’un historien). L’histoire des notions clés qui ont servi à la constitution des langages scientifiques et qui, traduites ou transcrites à partir des langues « savantes » ont suivi un cours propre dans les contextes russes, reste presque entièrement ignorée.
Le colloque que nous nous proposons d’organiser serait donc un premier pas dans cette direction. Ce caractère de nouveauté relative nous invite à embrasser un domaine très vaste, aussi bien sur le plan chronologique que sur le plan des disciplines considérées. La période choisie ira en effet du milieu du XVIIIe siècle aux années 1920 comprises. Ce cadre, qui est le même que le projet de recherche ANR (SCHUSOCRU) dans lequel s’inscrira ce colloque, est celui des débuts des sciences humaines en Russie et jusqu’à l’invention des sciences sociales, avant le grand « tournant » des années 1930, et présente une certaine continuité dans ce domaine. Quant aux disciplines, il s’agira des sciences humaines et sociales dans leur ensemble.
Les communications que nous attendons peuvent s’attacher aussi bien à la micro étude (un mot, un concept, une œuvre, un auteur…) qu’à des panoramas plus larges, y compris transdisciplinaires. Sans limiter le champ très vaste des possibilités qui peuvent s’offrir aux spécialistes qui seraient intéressés, chacun dans son domaine propre, par ce projet, nous pouvons insister sur les points suivants :
La présence du livre étranger et des langues étrangères dans les lieux savants
Ce type d’études ne concerne pas seulement les premières périodes. Même au début du XXe siècle, la question de l’acquisition des ouvrages fondamentaux et celle de l’apprentissage des langues indispensables sont encore suffisamment problématiques pour que ce sujet reste pertinent. L’étude des bibliothèques, universitaires et privées, celle des modes d’acquisition, domaines classiques des historiens du livre, peuvent ici beaucoup apporter. Mais la question des usages linguistiques scientifiques, notamment celui du latin, de l’allemand et du russe, dans certaines institutions confrontées dans leur conception (Académie des sciences) ou par leur localisation (Université de Dorpat) au multilinguisme, est une autre façon d’aborder le même sujet. Peut-être est-il possible d’établir, sur cette question, des périodisations globales ou plus fines, propres à tel ou tel domaine scientifique, en fonction (entre autres raisons possibles) des chutes et des remontées d’intérêt pour les productions étrangères.
La périodisation et les contextes des traductions
Il est particulièrement important de connaître les débuts des traductions, dont la nécessité fut souvent proclamée pour les besoins de l’enseignement (comme par l’historien Pogodin au début des années 1830), mais la question reste importante même lorsque, comme à la fin du XIXe siècle, les traductions du français, de l’allemand et de l’anglais se banalisent dans une certaine mesure. Le choix de l’œuvre traduite, l’identité du traducteur, les moyens mis en œuvre pour la traduction, les choix opérés dans la traduction de mots difficiles à transposer (néologisme produit par emprunt - conservation du mot original - ou par calque, usage d’un mot déjà existant en russe, transcription) présentent souvent de l’intérêt. Une simple analyse de type bibliographique et statistique des traductions peut conduire à d’autres questions. Par exemple, la construction nationale qui a modelé les sciences humaines dans une mesure qui reste à définir, y compris dans les langages scientifiques, a-t-elle eu des incidences sur les traductions et lesquelles ? Cet angle « national » peut ainsi conduire à d’autres périodisations, déjà évoquées dans le point précédent.
La traduction comme accès à l’universalité
Il arrive que, pour citer des auteurs étrangers ou évoquer des réalités extérieures à la Russie, des spécialistes choisissent délibérément des termes qui sont originaires d’un champ lexical spécifiquement russe, et qui renvoient à des réalités spécifiquement russes. Cette démarche (termes équivalents = réalités équivalentes) peut fonder des constructions qui transcendent les frontières nationales. C’est l’exercice auquel s’est par exemple livré l’historien Pavlov-Sil’vanskij pour affirmer l’existence d’un « féodalisme » russe, équivalent du « féodalisme » d’Europe occidentale. Il ne s’agit plus, ici, du seul problème de la traduction, mais d’une entreprise de décloisonnement (ou de banalisation, de négation de spécificité) qui peut être particulièrement significative dans le domaine des sciences sociales (histoire, sociologie, ethnographie) et dont on peut trouver de nombreux exemples au début du XXe siècle. La traduction, surtout dans la dernière période, de textes russes en langues occidentales, pouvait participer des mêmes constructions.
Les circulations transdisciplinaires
L’importance prise par telle ou telle discipline à tel ou tel moment de la période considérée a pu jouer un rôle dans l’adoption de mots et de syntagmes, et par conséquent de problématiques dans d’autres domaines. Le poids pris par la linguistique autour de 1900, celui de la sociologie française et anglaise dans les sciences sociales russes nous invitent à considérer les transferts non pas seulement, et pas tant, de langue à langue, de discipline à discipline, mais dans la transversalité (plusieurs langues, plusieurs disciplines). Il serait intéressant de se demander, dès lors, dans quelle mesure des courants scientifiques vigoureux, tels que le formalisme russe, l’histoire « sociale », l’orientalisme, n’ont pas été en grande partie déterminés par des configurations linguistiques propres aux universités russes. Conditions de soumission
Le colloque aura lieu à Paris les 24 et 25 mai 2013.
Les langues du colloque seront le français, le russe et l’anglais.
Les personnes désireuses d’y participer sont priées de nous adresser le sujet de leur communication ainsi qu’une brève description (de 10 lignes à une page)
avant le 30 septembre 2012
Responsables scientifiques du projet
Wladimir Berelowitch, directeur d’études à l’EHESS (CERCEC, EHESS-CNRS) – Coordinateur du projet SCHUSOCRU : berelowi[at]ehess.fr
Elena Astafieva, chercheur contractuel au CNRS (CERCEC, EHESS-CNRS) – Coordinatrice du projet SCHUSOCRU : astafok[at]hotmail.fr
sciences humaines, sciences sociales, langages scientifiques, traduction, transferts, circulation des concepts, Russie, Europe
Paris (75005)
Date limite
dimanche 30 septembre 2012
Contact
Elena Astafieva : astafok (at) hotmail [point] fr
Wladimir Berelowitch : berelowi (at) ehess [point] fr
CERCEC, 190 av. de France, 75013 Paris
Source Calenda